COMMENT CE CYCLE S’EST-IL RÉVÉLÉ ?
Au début des années 1990, Imanou Risselard et Pol Charoy s’interrogent sur leurs propres scénarios de vie ; ces comportements qui se répètent et s’enchaînent inlassablement. Leurs aspirations profondes semblaient être absorbées et enfermées dans ce cycle infernal. Iels décident alors d’apporter une observation consciente et constante à ce phénomène pour en découvrir le fonctionnement. Chaque jour, à chaque instant, iels plongent en iels-mêmes ; iels s’observent mutuellement et se voient passer d’un comportement à un autre, d’une posture, d’une énergie, d’une émotion, d’une pensée à une autre : J’y vais… (le cœur léger). Ça y est, j’ai réussi ! (le sourire aux lèvres)… Mais non, ça ne sert à rien… (le plexus s’affaisse). Je n’en peux plus. C’est la déprime… Ça me dégoûte tout ça… Mais je ne peux pas rester comme ça. (le buste se redresse). Il faut que je m’en sorte… J’y arriverai… (le poing serré). Etc.
Très vite, iels découvrent que les mêmes postures, les mêmes pensées, les mêmes émotions reviennent : J’y vais… (le cœur léger). Ça y est, j’ai réussi ! (le sourire aux lèvres)… Mais non, ça ne sert à rien… (le plexus s’affaisse). Je n’en peux plus. C’est la déprime… etc.
Notre construction caractérielle n’est donc pas un phénomène fragmenté : j’enfile ce costume à un moment, et puis cet autre costume à un autre moment. Comme une fonction. Un rôle. Auquel cas, il nous serait facile d’en changer ! Mais non, car je suis dépendant·e d’une dynamique intérieure, un cycle, qui m’anime et se joue « à l’insu de mon plein gré ». Cette vision est profondément initiatique ! Car tout ce cycle participe à la Maya décrite par les Bouddhistes, l’illusion du monde, et à la « comédie humaine » que nomment si simplement les artistes.
Mais Imanou et Pol ne s’arrêtent pas là. Iels voient en chaque forme qui se succédent un enchaînement de personnages. Iels commencent alors à les jouer. En les jouant, les formes s’amplifient et mutent après un certain temps en une autre forme. Les mutations s’enchaînent jusqu’à ce que la première forme, qui était là au début du cycle, revienne. La boucle est bouclée. La Roue des personnages est née.
Elle est devenue l’un des instruments fondamentaux de leur art. Le repérage de la Roue, son analyse, sa conscientisation, sa représentation corporelle et énergétique, le jeu théâtral, le lâcher-prise, la transformation des personnages, sont autant de notions et de processus qui se sont « alchimiés » au fur et à mesure du temps.
Imanou et Pol se sont également aperçues de l’affection qu’elle et lui portaient à certains de leurs personnages et du mépris que iels pouvaient avoir pour d’autres. Iels se sont souvenu·es qu’Alexandro Jodorowsky nommait « éléphants parfumés » et « éléphants puants » les parties de l’égo (représenté par l’éléphant) agréables et désagréables. Mais chaque partie constitue un tout immuable, interdépendant ; l’agréable étant le pendant du désagréable et le désagréable le pendant de l’agréable.
Pour nous libérer de ce cycle, ce n’est donc pas une partie (celle qui nous est la plus désagréable bien sûr !) qui doit être transformée, mais l’ensemble de la Roue !
Aujourd’hui, la Roue des personnages est aussi appelée Cycle de déterminismes. Iels ont beaucoup cherché pour trouver la terminologie la plus appropriée (l’un·e et l’autre choisissant un nom en résonance avec sa propre histoire !) : Cycle d’imprégnations, Cycle d’empreintes, Cycle d’adaptation, Cycle de formes, etc. Bien sûr, aucune terminologie n’est idéale, mais au final, iels se sont entendus sur celle-ci qui leur a semblé la plus claire.
La notion de déterminisme ne signifie pas ici que nous ayons un destin. Elle ne s’inscrit pas non plus dans une pensée fataliste. Elle exprime seulement que nous sommes déterminé·es par tout ce qui a été évoqué dans les précédents chapitres : empreinte transgénérationnelle, de conception, de naissance, adaptation à l’environnement, à la situation ou au contexte.
En prenant conscience de ce cycle, mélange d’adaptations et de constructions caractérielles, sans autre objectif dans un premier temps que celui de devenir plus conscients de nous-mêmes, nous apprenons à nous percevoir autrement. Nous approchons un peu plus encore de ce que nous sommes. L’intégration de notre construction caractérielle comme une succession de formes va nous permettre également de mieux l’identifier. Nous devenons davantage maîtres de notre vie. Nous cheminons vers plus de cohérence et d’unité.
Aujourd’hui, pour commencer ce chemin et révéler votre Roue des personnages, l’ATA suit un ensemble de process ; mettre en scène et/ou jouer sa Roue constituant l’aboutissement du premier cycle en ATA. Pour parvenir jusqu’à cette étape, il est nécessaire de commencer à investir le champ scénique.